La Liberté

L’homme agressé dans sa cuisine

Louis Ruffieux, journaliste
Louis Ruffieux, journaliste
Publié le 22.03.2021

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion

Aïe! Le grand couteau qui attaquait le dos d’un oignon fut à deux doigts de couper un index. Prenez garde, les cuistots amateurs: il peut être dangereux d’écouter la radio en préparant le repas de midi. Préparez-vous à de possibles chocs, surtout si vous êtes un homme blanc, hétérosexuel et vieux, trois caractéristiques qui, par les temps qui courent, vous situent entre la lame et la planche à découper. Vous êtes, en gros, des malfaiteurs de l’humanité et des freins à la glorieuse marche de ses progrès. Mais revenons à nos oignons.

L’autre jour donc, à la RTS radio, à l’heure apéritive mais laborieuse de Tribu, il est question de la révision en cours de la définition juridique du viol. L’invitée, Camille Perrier Depeursinge, professeure au Centre de droit pénal de l’Université de Lausanne, déplore (brillamment) que l’absence de consentement lors d’un rapport sexuel ne soit pas considérée comme un critère pour caractériser le viol, l’élément probant restant la contrainte. Le journaliste cite alors un ancien juge fédéral, dont le nom imprononçable annonce déjà le raisonnement forcément improbable selon lequel la notion de consentement pourrait abîmer l’Etat de droit et causer des erreurs judiciaires. Et l’intervieweur de lancer à son invitée:

– Que lui répondez-vous?

Elle: – Euh, pff… il y aurait tellement de choses à dire…

Lui: – Déjà le fait que c’est un homme qui parle?

Elle: – Bon, on va mettre de côté le fait que c’est un homme blanc, hétérosexuel et particulièrement âgé…

On connaît le principe de la prétérition: «mettre de côté» un argument pour mieux le mettre en valeur. En l’occurrence, la «mise de côté», sur un ton enjoué, vaut condamnation: les trois chefs d’accusation (blanc, hétéro, âgé) excluent a priori la pertinence de l’avis de l’ancien juge. Ainsi s’alourdit quotidiennement le casier judiciaire du Mâle Blanc, Hétéro et Plus Tout Jeune. Ce MBHPTJ porte désormais, sur ses épaules traversées de rhumatisme, la culpabilité de toutes les oppressions subies sur la planète. Ses victimes de choix depuis Adam au moins sont les femmes, et depuis un peu moins longtemps les LGBTQIA+ (lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes, asexuelles, etc.).

Ce vieux bouc émissaire, qui traîne parfois la patte dans la course à l’échalote des progrès «sociétaux», a «stigmatisé» tellement de monde que personne ne s’offusque de le voir aujourd’hui couvert de bleus sous les coups d’une constante… stigmatisation. Heureusement, de plus jeunes mâles s’agenouillent jusqu’à l’os pour tenter de racheter ses péchés. Il y a peu, sur les mêmes ondes de la RTS, un invité parlait de gens qui étaient «touxe ensemble» (prononcez «touXE»). «Toutes et tous ensemble, vous voulez dire», a demandé l’animatrice. «Moi je dis touXE pour inclure tous les genres, y compris le neutre», a répondu l’homme en phase avec son temps.

Par chance, le cuistot d’occase ne tenait alors pas de couteau. Car tabasser les bourreaux chenus, blancs et hétéros, passe encore. Mais pareillement charcuter la langue, ça non!

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