La Liberté

Ouverture à Paris du procès du ministre français de la justice Eric Dupond-Moretti

Le ministre de la justice français Eric Dupond-Moretti est jugé depuis lundi et jusqu'au 16 novembre pour "prise illégale d'intérêts" (archives). © KEYSTONE/EPA/YOAN VALAT
Le ministre de la justice français Eric Dupond-Moretti est jugé depuis lundi et jusqu'au 16 novembre pour "prise illégale d'intérêts" (archives). © KEYSTONE/EPA/YOAN VALAT


Publié le 06.11.2023


Le procès d'Éric Dupond-Moretti devant la Cour de Justice de la République (CJR) s'est ouvert lundi à Paris un peu après 14h00. Il s'agit d'une première pour un ministre de la justice en exercice.

L'ex-avocat star, jugé pour conflits d'intérêts dans le cadre de ses fonctions, est entré dans la grande salle d'audience du palais de Justice de Paris l'air grave et un épais dossier sous le bras. A l'ouverture de l'audience et à la demande du président, il s'est avancé à la barre pour y décliner son identité.

"Je m'appelle Eric Dupond-Moretti", a-t-il dit, hésitant, devant le micro après s'être éclairci la voix. Le président a ensuite fait l'appel de la vingtaine de témoins qui seront appelés à la barre pendant le procès, prévu jusqu'au 16 novembre. Parmi eux, l'ancienne ministre de la Justice Nicole Belloubet, présente dans la salle, et l'ancien Premier ministre Jean Castex.

Le président a ensuite commencé la lecture du rapport sur les faits qui valent au garde des Sceaux ce procès inédit. S'il est reconnu coupable de "prise illégale d'intérêts", le ministre encourt cinq ans d'emprisonnement, 500'000 euros d'amende, ainsi qu'une peine complémentaire d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction publique.

L'ancien ténor du barreau se dit "innocent" et répète n'avoir fait que suivre "les recommandations" de son ministère en lançant des enquêtes administratives contre quatre magistrats avec qui il avait eu des différends quand il était avocat.

"Serein"

Une table recouverte d'une nappe bleue a été installée pour Eric Dupond-Moretti dans le prétoire, face à la cour. Dès le début de la lecture du rapport il a commencé à prendre des notes appliquées.

Une petite bouteille d'eau était posée sur la table, comme devant les places des avocats généraux et des membres de la CJR, juridiction mi-juridique mi-politique, composée de trois magistrats de la Cour de cassation et de douze parlementaires de tous bords.

Les avocats d'Eric-Moretti, Mes Rémi Lorrain et Jacqueline Laffont se sont assis sur les bancs du premier rang, derrière lui. Sur les bancs de l'autre côté de la salle avaient pris place les quatre magistrats à l'encontre desquels il avait ouvert les enquêtes administratives. Ils sont témoins à ce procès, et ont donc dû quitter la salle. Leur audition est prévue mercredi.

Eric Dupond-Moretti, "serein" et qui a "hâte" de s'expliquer selon son entourage, devrait avoir la parole pour une déclaration liminaire dès la fin d'après-midi. Son interrogatoire est prévu mardi matin.

L'ex-avocat, l'une des rares personnalités connues de la macronie, avait continué à être soutenu par le président de la République malgré sa mise en examen.

"En tant que garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti a toute ma confiance", a déclaré lundi la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne sur France Inter, vantant son "excellent travail" et son "droit à la présomption d'innocence". La Première ministre a précisé qu'elle avait elle-même souhaité qu'il reste à son poste et "puisse à la fois assurer sa défense et qu'on s'organise pour que le ministère de la Justice puisse tourner".

"Règle claire"

Le temps de l'audience, il restera ministre comme si de rien n'était, ou presque: des mesures seront prises "afin d'assurer le bon fonctionnement des pouvoirs publics et la continuité de l'État", comme des délégations de signature, une absence excusée au Conseil des ministres ou encore son remplacement au banc du gouvernement au Parlement, a précisé une source gouvernementale.

Eric Dupond-Moretti, nommé garde des Sceaux à la surprise générale en juillet 2020, joue sans doute son avenir en politique. Interrogée début octobre sur la question d'une démission en cas de condamnation, Elisabeth Borne avait répondu qu'il existait une "règle claire", déjà "appliquée" à d'autres ministres, en référence à Alain Griset, qui avait dû quitter le gouvernement.

Ce dossier inédit débute fin juin 2020, en marge de l'affaire de corruption dite "Paul Bismuth" visant l'ancien président Nicolas Sarkozy, quand Le Point révèle que le Parquet national financier (PNF) a fait éplucher les factures téléphoniques de plusieurs avocats, dont Eric Dupond-Moretti, pour débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé M. Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu'ils étaient sur écoute.

Eric Dupond-Moretti, ami très proche de Me Herzog, dénonce une "enquête barbouzarde". "On a basculé dans la République des juges", s'insurge celui qui est alors l'un des avocats les plus médiatiques du pays, avant de porter plainte.

La garde des Sceaux d'alors, Nicole Belloubet, avait demandé une "inspection de fonctionnement". Devenu ministre, Eric Dupond-Moretti avait ensuite ordonné une enquête administrative contre deux magistrats et la cheffe du PNF pour déterminer d'éventuelles fautes individuelles.

Il avait aussi ouvert, dans une autre affaire, une enquête administrative contre un ex-juge détaché à Monaco dont il avait dénoncé en tant qu'avocat les méthodes de "cow-boy" et contre lequel il avait porté plainte au nom d'un client pour violation du secret de l'instruction.

ats, afp

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11