La Liberté

Des retrouvailles compliquées

Plus de 20 000 Helvètes de l’étranger reviennent s’établir en Suisse chaque année

Emilie Ridard, Swissinfo

Publié le 21.06.2021

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Bercail » Sur les 770 900 Suisses qui vivaient à l’étranger en 2019, 23 965 ont choisi de mettre fin à leur expatriation. Les raisons de ces retours ne sont pas documentées. L’acclimatation n’est pas toujours facile, mais réserve aussi de bonne surprises. Témoignages.

Danielle Brocard, 73 ans, a passé la majeure partie de sa vie à l’étranger. Dès 18 ans, son diplôme d’enseignante en poche, elle décide de partir découvrir le monde. «Tout était propre, tout était beau en Suisse. C’était trop parfait, je m’ennuyais», dit la Vaudoise.

Après Pise en Italie, la Grèce, puis un kibboutz en Israël, elle était rentrée quelque temps en Suisse avant de repartir pendant un an à Londres, avant de choisir à nouveau l’Italie, Rome en l’occurrence. Et c’est là qu’elle rencontrera l’homme qui aujourd’hui encore partage sa vie. Deux enfants naissent et la famille s’installe à Gênes.

Puis sonne l’heure de la retraite, en 2013. La réflexion prend un à deux ans, jusqu’à la décision finale de revenir vivre en Suisse, à Lausanne. «Les montagnes et la neige me manquaient depuis toujours», mais elle avoue en riant que, bizarrement, son mari a eu moins de mal à s’intégrer qu’elle. Elle dit avoir «mis du temps à prendre (ses) distances avec l’Italie».

Vie chère en Suisse

En revanche, à 73 ans, certains des aspects qui pouvaient la déranger dans sa jeunesse sont désormais devenus des atouts: «Tout est tellement facile ici par rapport à l’Italie, je ne me souvenais pas comme c’était à ce point extraordinaire que tout fonctionne!» Mais la vie en Suisse est chère pour deux retraites italiennes, si bonnes soient-elles. Elle se rend dorénavant en Italie en tant que touriste, et «c’est formidable!», s’exclame-t-elle.

Touristes, c’est aussi ce que seront Phil Guinand et sa femme lors de leurs futurs séjours en Asie, alors qu’ils y ont vécu plus de 40 ans, L’envie d’ailleurs est pour ainsi dire dans les gènes de ce Suisse de 74 ans, né en Inde de parents suisses. Outre la Thaïlande avec un poste pour une compagnie suisse, puis un retour momentané en Suisse, il avait couvert tous les territoires d’Asie du Sud-Est et du Pacifique pour un employeur suisse, avant de s’établir à Singapour.

Arrivés à l’âge de la retraite, Phil Guinand et son épouse décident de s’installer en Indonésie, dont elle est originaire, pour y finir leurs jours. Mais ils se rendent rapidement compte que la qualité de vie ne leur convient pas, notamment en raison de la pollution et des difficultés à circuler. Un retour en Suisse s’impose alors comme une évidence: «Nous n’avions jamais vraiment vécu en Suisse. Finalement, c’est aussi une découverte.»

«Bonne évolution» suisse

A l’instar de Danielle Brocard, Phil Guinand a dû se réadapter à la vie en Suisse. Après une vie passée dans une autre culture, «vous n’avez plus les mêmes valeurs que les gens d’ici et inversement». Mais lui aussi apprécie désormais les aspects qu’il trouvait déplaisants dans sa jeunesse: «Le calme et la sécurité de la Suisse peuvent avoir un côté ennuyeux, mais ils ont de la valeur.» Il est également heureux de constater que «la Suisse a évolué dans le bon sens».

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) n’ont pas étudié les raisons des retours au bercail de ces quelque 20 000 personnes en moyenne, chaque année. Ils émettent diverses hypothèses. Il semblerait que la qualité des soins et la couverture d’assurance, les crises économiques locales et l’absence de perspectives professionnelles, mais aussi parfois des séjours limités dans le temps (détachement professionnel) justifient dans la plupart des cas un retour au pays. Mais l’OSE avoue «ne pas être en mesure de communiquer des raisons précises basées sur des chiffres fondés».

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