La Liberté

Les infirmiers experts s’impatientent

Les soignants en anesthésie, soins d’urgence et soins intensifs demandent une revalorisation salariale

Actuellement, l’Etat de Fribourg emploie 125 infirmiers et infirmières experts en soins intensifs, en soins d’urgence et en anesthésie, pour 98 équivalents plein-temps. © Alain Wicht-archives
Actuellement, l’Etat de Fribourg emploie 125 infirmiers et infirmières experts en soins intensifs, en soins d’urgence et en anesthésie, pour 98 équivalents plein-temps. © Alain Wicht-archives

Nicolas MAradan

Publié le 17.03.2021

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Santé » Les héros de la pandémie en veulent davantage. Applaudis sur les balcons au début de la crise du coronavirus, au front depuis plus d’une année face à la hausse des hospitalisations, les infirmières et infirmiers spécialisés employés par l’Etat de Fribourg demandent une revalorisation salariale. «Mais nous ne sommes pas des opportunistes du Covid-19. Notre demande, nous l’avions formulée bien avant le début de la pandémie», insiste Lolita Bochud, infirmière experte en soins intensifs.

Soutenus par le Syndicat des services publics (SSP), des professionnels de la santé ont en effet adressé un courrier au Conseil d’Etat en juillet 2017 déjà. «Pour le moment, aucune décision n’a été prise. L’échéance est sans cesse repoussée», regrette Gaétan Zurkinden, secrétaire régional du SSP. Sont concernées les trois catégories d’infirmiers dits experts, œuvrant dans trois secteurs bien distincts: les soins intensifs, les soins d’urgence et l’anesthésie.

«Pour le moment, aucune décision n’a été prise. L’échéance est sans cesse repoussée.»
Gaétan Zurkinden

Pour obtenir ce titre d’expert, les soignants doivent compléter leur bachelor d’infirmier HES par un cursus postdiplôme en cours d’emploi. «Pour faire cette formation, il faut déjà travailler dans l’un des services en question. L’admission se fait sur candidature, il faut présenter un dossier. C’est un cursus très exigeant. Il s’étale sur un minimum de deux ans et représente 360 heures de théorie et 540 heures de pratique. Cela permet de développer une prise en charge spécifique pour le patient», explique Lolita Bochud.

Actuellement, les infirmiers spécialisés ont droit à un salaire correspondant à la classe 19 de l’échelle des traitements de l’Etat de Fribourg. Soit un revenu annuel brut allant, selon l’ancienneté, de 80 000 à 120 000 francs (treizième salaire inclus). Mais les soignants demandent à être classés en catégorie 22 (soit un salaire brut de 90 000 à 134 000 francs par an) à 24 (98 000 à 144 000 francs). «Cette revendication ne tombe pas du ciel. Elle se base sur les critères d’Evalfri, le système d’évaluation et de classification des fonctions de l’Etat de Fribourg», précise Elisabeth de Castro, infirmière experte en soins d’urgence.

Compétences essentielles

Gaétan Zurkinden détaille: «L’un de ces critères, par exemple, ce sont les décisions lourdes de conséquences. Il s’agit de savoir si les collaborateurs ont l’obligation de prendre seuls et sous la pression du temps des décisions lourdes de conséquences. Or, pour les infirmières expertes, ce critère n’est pour le moment pas du tout reconnu.» Elisabeth de Castro ajoute: «Pourtant, aux urgences, nous sommes responsables de l’évaluation et du triage de tous les patients qui arrivent dans le service. C’est à nous de dire si un patient doit être pris en charge tout de suite ou non.»

«C’est à nous de dire si un patient doit être pris en charge tout de suite ou non.»
Elisabeth de Castro

Et, la crise du Covid-19 l’a bien démontré, les qualifications des infirmiers spécialisés sont aujourd’hui plus essentielles que jamais. «N’importe qui ne peut pas intuber un patient. Or, les infirmières anesthésistes travaillent avec des ventilateurs tous les jours», illustre Josiane Spenner, infirmière experte en anesthésie. Elle ajoute: «La profession d’infirmière experte en anesthésie nécessite une grande polyvalence. Hormis le bloc opératoire, nous exerçons nos compétences dans les différents services de l’Hôpital fribourgeois (radiologie, endoscopie, maternité, réanimation, etc.). Ces compétences nous ont d’ailleurs permis de soutenir pleinement le service des soins intensifs pendant la pandémie.. Lolita Bochud renchérit: «Notre formation évolue, notre fonction évolue aussi. Nous ne travaillons plus uniquement sur délégation du médecin. Parfois, il n’y a pas le temps d’appeler un médecin.» Elle résume: «La responsabilité, nous l’assumons aussi.»


«Les salaires sont tout à fait concurrentiels»


La Direction des finances rappelle que le traitement des infirmiers experts a déjà fait l’objet de plusieurs réévaluations ces vingt dernières années. De plus, leur salaire dépasse celui qui est offert dans d’autres cantons romands.

Pourquoi les infirmiers et infirmières experts en soins intensifs, en soins d’urgence et en anesthésie employés par l’Etat de Fribourg – il y en a actuellement 125, pour 98 équivalents plein-temps – n’ont-ils toujours pas obtenu de réponse à leur demande de réévaluation salariale? Contactée, la Direction des finances rappelle: «Ce dossier a bien été ouvert en juillet 2017. Par contre, la détermination finale du Syndicat des services publics (SSP) adressée au Conseil d’Etat date d’août 2018.»

Elle ajoute: «Les requêtes sont des procédures longues et complexes qui sont assurées par la section Evaluation des fonctions du Service du personnel et d’organisation, qui gère aussi l’évaluation des fonctions selon Evalfri (le système d’évaluation et de classification des fonctions, ndlr). Pour cette dernière tâche, sur les 387 fonctions enregistrées dans l’arrêté concernant la classification des fonctions, il existe 163 fonctions qui n’ont pas encore été évaluées. Il faut également savoir que, depuis octobre 2018, 13 nouvelles requêtes de décisions formelles ont été déposées.»

Cela étant, le Conseil d’Etat promet de répondre avant la fin de ce printemps. Mais la Direction des finances note que le salaire des infirmiers experts a déjà été revu à la hausse ces dernières années, notamment en raison de la prise en compte de la nouvelle formation de niveau bachelor HES pour la fonction d’infirmier. Ainsi, depuis 2001, cette fonction est passée de la classe 15 à la classe 19 de l’échelle des traitements de l’Etat de Fribourg. En tenant compte de l’adaptation à l’indice des prix à la consommation, cela représente, pour le salaire minimum, une augmentation de 41%.

Du reste, l’administration estime que les salaires versés à Fribourg pour les fonctions concernées sont «tout à fait concurrentiels». Elle souligne: «Selon une comparaison salariale effectuée en 2020 entre les cantons romands, Fribourg se place en troisième position pour le salaire minimum après Genève et Vaud (pour l’Hôpital Riviera Chablais), mais devant le Jura, Vaud (pour le Centre hospitalier universitaire vaudois), le Valais et Neuchâtel. Et Fribourg se place en première position pour le salaire maximum, alors que le coût de la vie dans le canton de Genève est bien plus élevé.» NM

 

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