La Liberté

L’écriture, un loisir comme un autre

Les Fribourgeois sont nombreux à prendre la plume pour leur plaisir, les ateliers d’écriture cartonnent

Les ateliers d'écriture rassemblent de plus en plus d'adeptes. © Archives - Alain Wicht
Les ateliers d'écriture rassemblent de plus en plus d'adeptes. © Archives - Alain Wicht

Anne Rey-Mermet

Publié le 30.04.2021

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Atelier » Pas besoin de disposer d’un gueuloir comme Flaubert pour aiguiser sa plume. Souvent considérée comme l’apanage d’une certaine élite, l’écriture est à la portée de tout le monde. Depuis quelques années, on voit notamment apparaître des offres d’ateliers d’écriture, signes d’une démocratisation de cette discipline.

«On peut aimer cuisiner sans être un chef étoilé, pourquoi ne pourrait-on pas écrire sans être écrivain?» compare Thierry Pochon. Ce Fribourgeois, qui enseigne par ailleurs au collège, a lancé il y a six ans des ateliers d’écriture à Fribourg. Après des débuts qu’il qualifie d’«un peu timides», ses cours ont rapidement rencontré un franc succès. Aujourd’hui, ils sont quatre à animer les ateliers et «ça ne désemplit pas».

Un constat partagé par Matthieu Corpataux, qui mène lui aussi ce type d’ateliers depuis quelques années. Très investi dans le domaine de l’écriture, il a notamment fondé la revue littéraire L’Epitre et les Presses Littéraires de Fribourg. «Depuis mars 2020, toutes les places des ateliers d’écriture sont prises. UniKult, une association culturelle de l’Université de Fribourg, m’a invité à en animer un, je craignais qu’il n’y ait pas suffisamment d’inscrits, mais il y a eu 30 demandes pour dix places», relève Matthieu Corpataux.

«On peut aimer cuisiner sans être un chef étoilé, pourquoi ne pourrait-on pas écrire sans être écrivain?»
Thierry Pochon


Elément déclencheur

Perturbé par la pandémie, le monde a-t-il tenté de s’extraire de la réalité en se consacrant à une feuille blanche? «Nous avons reçu beaucoup de demandes lors de la première vague, ça a clairement accentué l’intérêt pour les ateliers d’écriture. Privés de leurs hobbys habituels, certains avaient davantage de temps libre. Cela a pu jouer le rôle de déclencheur», estime Thierry Pochon.

En mars 2020, Matthieu Corpataux a lancé spontanément «En attendant, écrivons». Chaque jour, un écrivain proposait un jeu d’écriture via une page Facebook. Cette initiative a récolté un immense succès, avec la participation de milliers de personnes. «J’avais l’intuition que beaucoup de gens écrivaient pour eux-mêmes, mais je ne pensais pas que cette initiative révélerait cette intuition», s’étonne le Fribourgeois.

L’écriture n’a cependant pas attendu la pandémie pour faire sa place dans les loisirs des Fribourgeois. «On ne le soupçonne pas, mais beaucoup de gens écrivent régulièrement. Que ce soit un journal intime, des récits, de la poésie…» assure Matthieu Corpataux. A l’enseigne de l’Epitre, ce dernier accueille depuis 2013 les textes soumis par tout un chacun et constate l’engouement croissant pour l’écriture. «Cela peut aussi être une occasion de rencontrer un écrivain de façon privilégiée, comme lors du prochain atelier organisé par L’Epitre le 27 mai qui sera animé par l’auteure Isabelle Sbrissa», ajoute Matthieu Corpataux.

Pas de profil type

Femmes, hommes, jeunes et moins jeunes: tout le monde peut coucher ses idées sur le papier. «Les profils sont très variés, cela va du collégien au retraité en passant par la secrétaire, l’infirmier, la cheffe d’entreprise ou le prof de français. Dans les ateliers, il y a cependant souvent une majorité de femmes. Tous sont unis par le plaisir d’écrire», note Thierry Pochon.

La plupart d’entre eux n’ont pas forcément de velléités d’être publié, ils écrivent par passion, comme d’autres passent leur week-end à faire de la photographie ou à perfectionner leur coup droit. «Les gens qui s’inscrivent aux ateliers ont surtout envie d’écrire, de découvrir de nouvelles techniques. Certains ont un projet qui se met en place à force d’écrire», observe Thierry Pochon.

«Les ateliers contribuent aussi à désacraliser l’écriture, plutôt que de considérer qu’il s’agit d’un talent qui tombe du ciel. Il faut distinguer écriture et écriture littéraire. Nous sommes en train de comprendre que ce n’est pas systématiquement la même chose», relève le fondateur de L’Epitre.


«Le monde du livre se porte bien»

Auteurs, éditeurs, libraires: les acteurs fribourgeois du livre songent à se fédérer.

Si tous les passionnés d’écriture ne soumettent pas forcément leurs textes à un éditeur, ceux-ci ne manquent pas de lecture pour autant. «Je reçois entre un et deux tapuscrits par semaine, il y en a de toutes sortes», indique Francis Antoine Niquille, des Editions Montsalvens. Les concours littéraires lancés par la maison bulloise rencontrent toujours plus de succès: 29 textes ont été envoyés pour le Prix Vanil Noir du polar des terroirs, 70 pour un XXIe siècle sens dessus dessous et 330 pour le dernier en date, sur le thème «La femme est l’avenir de l’homme», pour célébrer les 50 ans du suffrage féminin dans le canton. Sur les trois lauréats du Prix Vanil Noir du polar des terroirs, deux sont Fribourgeois.

Pour le directeur de la maison d’éditions, qui a la particularité de produire l’entier de ses livres en Suisse, le Covid-19 a dopé l’écrit. «Notre maison d’éditions, qui fête cette année son cinquième anniversaire, s’est beaucoup développée depuis une année, même si nous avons dû annuler des événements ou repousser des sorties», constate Francis Antoine Niquille. La publication de Mon syllabaire a notamment remporté un grand succès. «Le monde du livre se porte bien, les gens aiment lire», estime l’éditeur.
A l’image des organisateurs culturels du canton qui se sont réunis sous la houlette de l’Association K, les acteurs fribourgeois du livre planchent sur la création d’une sorte de faîtière. Elle rassemblerait les auteurs, les maisons d’éditions, les bibliothèques, les librairies… «Cela pourrait être un interlocuteur unique pour le canton et son service culturel», souligne Francis Antoine Niquille. » ARM


L’écriture créative en classe


Une fois terminées l’école secondaire et les rédactions, les élèves ne consacrent plus vraiment de temps à l’écriture créative. Mais les choses pourraient bien changer, avec des enseignants qui s’intéressent aux ateliers d’écriture et proposent ce type de cours à leurs élèves collégiens. Thierry Pochon, lui-même enseignant à Saint-Michel et animateur d’ateliers d’écriture, vient de publier un livre intitulé Ecrire en classe aux Editions Loisirs et Pédagogie. «C’est une méthode pédagogique et didactique. Dès l’école secondaire, on initie les jeunes à la critique de chefs-d’œuvre, ça peut intimider certains élèves. Travailler l’écriture créative permet aussi de devenir un lecteur plus fin», assure l’enseignant.
Plus répandue dans les degrés secondaires, cette discipline a également fait son entrée à l’Université de Fribourg, où elle fait l’objet d’un cours crédité pour la première fois cette année. «Par la pratique, on peut aborder des enjeux de la littérature d’une façon nouvelle, en passant tant par l’écriture que par la lecture», souligne Matthieu Corpataux, qui dispense ce cours. ARM

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