La Liberté

Au théâtre de l’incertitude

Des comédiens fribourgeois expriment leur déception après l’annulation de la pièce Lettres à nos aînés au Théâtre des Osses

La création Lettres à nos aînés, née d’une série de missives publiées dans La Liberté, a été mise en scène par Geneviève Pasquier. © Julien James Auzan
La création Lettres à nos aînés, née d’une série de missives publiées dans La Liberté, a été mise en scène par Geneviève Pasquier. © Julien James Auzan

Lise Schaller

Publié le 23.11.2020

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Scène » Pour Aurélie Rayroud et Nicolas Roussi, jeunes comédiens de 25 ans, le durcissement des mesures annoncé par le canton le mardi 3 novembre a signifié le gel de leur carrière naissante, un jour avant la première. «Comme les dernières mesures prises par le Conseil fédéral étaient récentes, je pensais que nous passerions entre les gouttes au moins pour les premières représentations», regrette Aurélie. Ironie du sort pour la pièce Lettres à nos aînés, née du premier semi-confinement. Elle n’aura vu le jour qu’à huis clos, lors des répétitions. L’organisation de la troupe semblait pourtant à la mesure de la situation: «En cas d’absence d’un acteur, un système de suppléants au sein même du groupe a été mis en place. La metteuse en scène Geneviève Pasquier disait que nous irions jusqu’au monologue», sourit Nicolas.

Le 3 novembre fatidique, l’équipe devait reprendre la répétition à 14 h. Pas question, cependant, de commencer à travailler dans l’incertitude: «Jusqu’ici, nous avions répété sans regarder les infos, explique Nicolas. Mais cette fois, nous avions tous un mauvais pressentiment.» Aurélie raconte comment elle a vécu l’annonce en direct: «J’avais une énorme boule au ventre – je n’attendais plus que le mot «théâtre». Ensuite, nous avons quand même répété jusqu’à 22 h. C’est en rentrant que j’ai eu le contrecoup.» Elle tempère: «Mais nous n’étions pas énervés, la situation est grave.» Nicolas d’acquiescer, ajoutant: «C’était juste une expérience frustrante car, malgré le beau chemin parcouru, la pièce est au final faite pour être jouée devant un public.»

Une planification difficile

Au-delà du vide momentané créé par l’annulation de la pièce, les jeunes comédiens craignent pour l’avenir. «Comment vivre avec le virus? Des questions existentielles se posent», constate Nicolas. D’après lui, si le secteur sait être créatif et rebondir, les structures doivent s’aligner: «Le Théâtre Equilibre montre bien comment la société a imaginé l’activité théâtrale. Notre monde n’est pas adapté à un public de moins de 50 personnes.» Les deux comédiens disent ne pas croire aux représentations en ligne: «Sans le public en présence, c’est complètement différent», affirme Aurélie.

«Notre monde n’est pas adapté à un public de moins de 50 personnes.»
Nicolas Roussi

Selon elle, les projets qui sont forcés de s’adapter à la situation actuelle ont beaucoup à perdre: «De nouveaux projets peuvent naître de cette situation. D’autres, par contre, doivent renoncer à beaucoup de choses.» La planification reste un problème majeur: «Si l’on est prévenu à la dernière minute, il est impossible de créer en composant avec la situation, soupire Nicolas. Il est difficile de rêver à de nouveaux projets maintenant.» Malgré tout, les deux jeunes comédiens disent penser d’abord au moyen terme: «J’ai appris à vivre au jour le jour pour être moins angoissée», sourit Aurélie.

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