Russie: heurts lors de rassemblements de soutien à l'opposant Navalny
Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi en Russie à l'appel de l'opposant Alexeï Navalny pour exiger sa libération. Les rassemblements ont donné lieu à 2400 arrestations, ainsi qu'à des heurts dans plusieurs grandes villes, en particulier à Moscou.
Les principaux rassemblements ont eu lieu à Moscou et Saint-Pétersbourg, avec dans chaque cas quelque 20'000 participants, selon des journalistes de l'AFP. Des manifestations ont également eu lieu dans des dizaines d'autres villes, un mouvement d'une ampleur géographique rare dans l'histoire récente de la Russie.
A Moscou, des heurts ont opposé à plusieurs reprises dans l'après-midi des policiers qui frappaient à la matraque des manifestants leur jetant généralement des boules de neige, mais aussi d'autres projectiles.
En début de soirée, des centaines de personnes ont rallié la prison de Matrosskaïa Tichina où est détenu l'opposant Alexeï Navalny, dans le nord de Moscou. La police y a procédé à des arrestations, frappant des manifestants avec des matraques et les dispersant.
Ce mouvement de contestation a lieu à quelques mois des législatives prévues pour l'automne, sur fond de chute de popularité du parti au pouvoir Russie unie. Il s'agit des manifestations les plus importantes depuis plusieurs années.
Leonid Volkov, un membre de l'équipe de M. Navalny, a affirmé que "250-300'000 personnes" étaient "descendues dans la rue" en Russie. "C'est sans précédent", s'est-il félicité, en direct sur la chaîne YouTube Navalny LIVE, annonçant en outre de nouvelles manifestations pour "le week-end prochain".
Près de 1000 arrestations à Moscou
Dans la capitale, les forces antiémeutes ont arrêté au moins 937 personnes, selon l'ONG spécialisée OVD Info qui avait comptabilisé 2432 arrestations sur l'ensemble du territoire russe en début de soirée.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a déploré sur Twitter "les détentions massives" et "l'usage disproportionné de la force", affirmant qu'il discuterait "lundi des prochaines étapes avec les ministres des Affaires étrangères de l'UE". Dans un communiqué, Amnesty International a accusé la police d'avoir "battu sans discernement et arrêté arbitrairement" des manifestants.
A Moscou, le rassemblement s'est déroulé dans l'après-midi place Pouchkine et dans les artères voisines. Les manifestants ont à de nombreuses reprises lancé des boules de neige sur les policiers, qui ont sans ménagement arrêté des protestataires.
La police a elle estimé que 4000 personnes avaient manifesté à Moscou et qu'une quarantaine de membres des forces de l'ordre avaient été légèrement blessés. A Saint-Pétersbourg, une foule importante a défilé sur le célèbre Prospekt Nevski.
Mme Navalny arrêtée
Plus tôt, Ioulia Navalnaïa, la femme de l'opposant, a été arrêtée à la manifestation moscovite, puis libérée quelques heures plus tard.
D'importants rassemblements et de violentes arrestations ont également eu lieu en Extrême-Orient, à Vladivostok et Khabarovsk. A Iakoutsk, en Sibérie, une centaine de personnes ont manifesté par -50 degrés Celsius.
La diplomatie russe a accusé l'ambassade des Etats-Unis d'avoir publié "des messages sur les réseaux sociaux pour soutenir les manifestations" et "d'encourager des actions violentes". Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a indiqué que la direction de l'ambassade serait convoquée pour une "conversation sérieuse".
La représentation diplomatique avait appelé sur son site les Américains à ne pas se rendre à ces rassemblements, précisant les lieux où ils se déroulaient. L'ambassade des Etats-Unis a pour sa part dénoncé sur Twitter "la répression des droits" des Russes.
Poutine visée
Placé en détention provisoire et visé par plusieurs procédures judiciaires, Alexeï Navalny, 44 ans, a été appréhendé le 17 janvier, dès son retour d'Allemagne, après cinq mois de convalescence à la suite d'un empoisonnement présumé dont il accuse le Kremlin.
Son appel à manifester a été accompagné d'une enquête vidéo, visionnée plus de 70 millions de fois depuis mardi sur YouTube, dans laquelle il accuse Vladimir Poutine de s'être fait bâtir pour un milliard d'euros une fastueuse demeure privée.
ats, afp