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Les députés ne veulent pas abroger l'interdiction de la mendicité

La mendicité a de nouveau agité les esprits des députés du Grand Conseil vaudois mardi (photo symbolique). © Keystone/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
La mendicité a de nouveau agité les esprits des députés du Grand Conseil vaudois mardi (photo symbolique). © Keystone/JEAN-CHRISTOPHE BOTT


Publié le 29.11.2022


Le Grand Conseil vaudois ne veut pas abroger la loi interdisant la mendicité dans le canton. Les députés ont classé mardi une motion dans ce sens, même transformée en postulat. Vaud se dirige plutôt vers une adaptation de sa loi en accord avec la Cour européenne.

Les députés devaient traiter deux motions, finalement transformées en postulats: l'une déposée par le Vert Raphaël Mahaim et l'autre par la PLR Florence Bettschart-Narbel. Le premier texte demandait l'abrogation pure et simple de la loi vaudoise interdisant la mendicité et le deuxième une adaptation de la loi pénale à la suite d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Le premier a été rejeté et donc classé par 76 voix contre 56 et 3 abstentions, dans grosso modo un duel droite-gauche classique. En revanche, le Parlement a accepté de renvoyer au Conseil d'Etat le deuxième texte, par 72 voix contre 61 et deux abstentions.

Le postulat de Mme Bettschart-Narbel vise seulement l'interdiction de la mendicité active, soit celle qui consiste à aller vers le passant ou à l'interpeller de manière agressive. Celui qui mendie activement doit être puni d'une amende de 50 à 100 francs.

Le texte précise aussi que la mendicité, qu'elle soit active ou passive, doit être interdite dans les zones piétonnes, aux abords des banques, des distributeurs d'argent, des postes, des gares et des écoles.

Nouvelle loi adaptée en vue

Le conseiller d'Etat en charge de la sécurité Vassilis Venizelos a dit que ce postulat sera pris en considération dans l'élaboration d'un projet d'adaptation de la loi sur la mendicité pour la rendre conforme à la jurisprudence de la CEDH. Le Conseil d'Etat considère qu'une interdiction proportionnée doit et peut s'appliquer.

L'avant-projet a été mis en consultation jusqu'à octobre dernier. Les services de M. Venizelos feront prochainement "une proposition nuancée". Présentée en juin dernier, la loi revisitée interdirait la mendicité intrusive ou agressive, dans les cas où le mendiant interpelle le passant, se dirige vers lui, le suit ou l'encercle par exemple.

Elle permettrait aussi de sanctionner la mendicité exercée dans certains lieux sensibles comme les files d'attente, les transports publics, les arrêts de bus, les places de jeu, les terrasses et à proximité des banques, bureaux de poste, distributeurs automatiques d'argent et horodateurs.

Le Conseil d'Etat propose en outre de renforcer les amendes contre l'exploitation de la mendicité. Celles-ci pourront aller jusqu'à 10'000 francs, le double en cas de récidive. L'amende infligée à un mendiant serait de l'ordre de 50 à 100 francs.

Cas genevois devant la CEDH

Pour rappel, en janvier 2021, saisie d'un cas genevois, la CEDH a considéré que la répression sans nuance de la mendicité n'est pas conforme au principe de proportionnalité puisqu'elle n'est pas précédée d'un examen de la personne et ne vise pas à lutter contre la criminalité organisée ou à protéger les passants, résidents et commerçants.

Les juges de Strasbourg ont ainsi clairement proscrit une interdiction générale. Depuis cet arrêt, les autorités vaudoises ne pouvaient plus appliquer les dispositions cantonales entrées en vigueur en novembre 2018. Une modification légale est donc nécessaire pour s'adapter à la jurisprudence européenne.

L'interdiction de la mendicité avait été acceptée de justesse en 2016 par le Grand Conseil à la suite d'une initiative de l'UDC. Le texte a ensuite été contesté devant les tribunaux, cantonal puis fédéral, avant d'entrer en vigueur le 1er novembre 2018. Un recours est toujours pendant auprès de la CEDH, initié par un collectif de mendiants et de personnalités.

"Négation de la pauvreté"

Mardi, plusieurs élus de gauche ont plaidé pour une abrogation. "Une interdiction générale équivaut à une négation de la pauvreté", a dit le socialiste Romain Pilloud. Il a aussi qualifié de "fantasmes" l'idée que les mendiants sur sol vaudois faisaient partie de réseaux mafieux.

D'autres élus, comme le popiste Marc Vuilleumier, ont rappelé que la loi vise surtout la communauté Rom, qu'elle est discriminatoire à leur égard. M. Vuilleumier a plutôt prôné une intégration de cette population, via le logement, le travail, l'alphabétisation et la santé. "Il faut soutenir ces actions et non une interdiction de la mendicité", a-t-il insisté.

A droite, le PLR Marc-Olivier Buffat a rappelé que la Suisse avait versé 200 millions de francs pour soutenir cette communauté en Roumanie et en Bulgarie, sans grands résultats. Il s'est dit sceptique alors sur des mesures d'intégration en Suisse qui ont échoué dans leur pays même.

ats

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