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La Cour suprême consacre le droit au port d'armes en public

La Cour suprême des Etats-Unis, dominée par des juges conservateurs, a clairement affirmé jeudi pour la première fois que les Américains avaient le droit de porter des armes hors de leur domicile. (photo symbolique) © KEYSTONE/AP/KEITH SRAKOCIC
La Cour suprême des Etats-Unis, dominée par des juges conservateurs, a clairement affirmé jeudi pour la première fois que les Américains avaient le droit de porter des armes hors de leur domicile. (photo symbolique) © KEYSTONE/AP/KEITH SRAKOCIC


Publié le 23.06.2022


La Cour suprême des Etats-Unis a clairement affirmé jeudi pour la première fois que les Américains avaient le droit de porter des armes hors de leur domicile, dans un arrêt qui risque de compliquer les efforts pour combattre une violence déjà alarmante.

Ses six juges conservateurs ont, contre l'avis de leurs trois collègues progressistes, invalidé une loi de l'Etat de New York qui, depuis plus d'un siècle, limitait fortement les permis de port d'armes.

Cette décision intervient alors que les Etats-Unis sont encore sous le choc d'une série de fusillades meurtrières dont l'une, le 24 mai, a fait 21 morts dans une école primaire du Texas, poussant des sénateurs républicains jusqu'ici hostiles à toute régulation sur les armes à soutenir de modestes réformes.

"Profondément déçu", le président démocrate Joe Biden a regretté un arrêt "contraire au bon sens" qui "devrait tous nous inquiéter". La gouverneure démocrate de l'Etat de New York, Kathy Hochul, a pour sa part dénoncé une décision "honteuse en pleine prise de conscience nationale sur la violence des armes."

Célébrant à l'inverse une "immense victoire", le puissant lobby des armes, la National Rifle Association (NRA), a salué un "tournant pour les hommes et femmes vertueux d'Amérique et le résultat de décennies de lutte".

Concrètement, la décision porte sur une loi new-yorkaise qui limite depuis 1913 la délivrance de permis de port d'armes dissimulées aux personnes ayant des raisons de croire qu'elles pourront avoir à se défendre, par exemple en raison de leur métier ou de menaces les visant.

Elle avait été contestée en justice par deux propriétaires d'armes à feu, qui s'étaient vu refuser des permis, et une filiale de la NRA, qui milite pour une lecture littérale du deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis.

Ratifié en 1791, celui-ci énonce qu'"une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un Etat libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé".

Lieux sensibles

En 1939, la Cour suprême avait jugé que le deuxième amendement protégeait le droit d'utiliser des armes dans le cadre d'une force de maintien de l'ordre, comme l'armée ou la police, mais n'était pas un droit individuel à l'auto-défense.

Elle a changé de position lors d'un arrêt historique en 2008 et établi pour la première fois un droit individuel à posséder une arme à son domicile pour se défendre.

A l'époque, elle avait toutefois laissé aux villes et aux Etats le soin de réguler le transport en dehors du domicile, si bien qu'actuellement, les règles sont très variables d'un endroit à l'autre.

L'arrêt de jeudi met un terme à cette latitude en gravant dans le marbre le droit de porter "une arme de poing en dehors de son domicile".

"Rien dans le deuxième amendement ne fait une distinction entre la maison ou les lieux publics en matière de port d'armes", écrit le juge conservateur Clarence Thomas au nom de la majorité.

"Des restrictions raisonnables et bien définies" restent possibles, notamment dans les "lieux sensibles" comme les assemblées législatives ou les tribunaux, mais il reviendra aux tribunaux de les évaluer en prenant en compte "l'histoire et les traditions" américaines, écrit-il.

400 millions

Les trois juges progressistes de la Cour se sont dissociés de cet arrêt qui, selon eux, "limite fortement les efforts des Etats pour essayer de limiter la violence par arme à feu".

La Cour agit "sans considérer les conséquences potentiellement mortelles de sa décision", a regretté en leur nom le magistrat Stephen Breyer, en rappelant qu'"en 2020, 45'222 Américains ont été tués par des armes à feu".

Dans un premier temps, la décision devrait faire tomber des lois similaires à celle de New York en vigueur dans cinq autres Etats, dont certains très peuplés comme la Californie ou le New Jersey, et la ville de Washington.

D'autres restrictions en vigueur essentiellement dans les Etats démocrates pourraient être contestées en justice en vertu de ce nouveau cadre légal.

Près de 400 millions d'armes étaient en circulation dans la population civile aux Etats-Unis en 2017, soit 120 armes pour 100 personnes, selon le projet Small Arms Survey.

L'an dernier, plus de 20'000 homicides par arme à feu ont été recensés sur le site Gun Violence Archive.

ats, afp

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