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Un policier jugé pour meurtre dans le drame de Bex

La justice vaudoise se penche mardi sur la mort d'un Congolais de 27 ans abattu par la police lors d'une intervention à Bex en 2016. L'agent auteur des tirs doit répondre de meurtre, chef d'accusation passible de 5 ans de prison au moins.

Le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois sera délocalisé à Renens pour ce procès. © Keystone
Le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois sera délocalisé à Renens pour ce procès. © Keystone

ATS

Publié le 21.03.2021

L'instruction du Ministère public dirigée par le procureur Eric Mermoud a duré quatre ans. Les juges de la cour criminelle du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, délocalisée à Renens pour ce procès, doivent désormais déterminer s'il y a eu légitime défense ou geste disproportionné du prévenu, caporal de la police du Chablais âgé de 52 ans.

Les faits se sont déroulés dans la soirée du dimanche 6 novembre 2016. La police est appelée vers 22h30 pour intervenir dans un immeuble de Bex, où Hervé, père d'un enfant, fait du grabuge. Selon l'acte d'accusation, il est dans un état très agité. L'autopsie révélera la présence de MDMA dans le sang, une drogue qui peut altérer l'état de conscience.

L'après-midi déjà, des traces de sang avaient été constatées dans le corridor à l'étage de l'appartement d'Hervé ainsi qu'à l'extérieur sous sa fenêtre. Averti, le concierge a tenté d'entrer en contact avec Hervé, sans succès. La veille, ce dernier avait été arrêté ivre en gare de Bex, après un comportement récalcitrant dans le train. Après un passage en cellule de dégrisement, il avait été libéré.

Porte défoncée

C'est dès 22h00 que les choses se précipitent. Hervé défonce la porte d'un voisin en train de dormir et s'introduit dans sa chambre avec un couteau emballé dans un tissu à la main. Il fait le geste de vouloir l'égorger avant de quitter subitement l'appartement sans finalement le toucher.

Lorsque les cinq agents de police arrivent sur les lieux peu après 22h30, alertés par le concierge, ils se dirigent vers l'appartement d'Hervé qui entrouvre la porte et leur dit de lui ficher la paix. Un bruit qui ressemble à une détonation d'une arme à feu retentit et un objet est lancé au sol du corridor depuis l'appartement.

Se sentant menacés, les policiers se positionnent à différents endroits de l'immeuble et tentent de coordonner leur opération. Problème: leurs radios ne fonctionnent pas. Dans un premier temps, Hervé ressort de son appartement en brandissant un couteau à pain. Il se dirige vers un des policiers qui réussit à se réfugier dans un autre appartement, sans tirer ni utiliser son spray au poivre ou bâton tactique.

Touchés au thorax et à la cuisse

Dans un deuxième temps, le caporal posté à l'entrée de l'immeuble remonte dans le locatif et voit Hervé courir dans sa direction, toujours son couteau à la main, au-dessus de la tête, prêt à frapper. L'agent lui crie deux fois «stop police» sans pour autant qu'il ne s'arrête.

Alors que les deux hommes se retrouvent entre 70 et 125 cm l'un de l'autre, le caporal tire trois coups de feu, dont deux touchent Hervé, au thorax et à la cuisse droite. Son décès est constaté à 23h41 à la suite d'un traumatisme thoracique (lésions pulmonaires avec hémorragie interne).

L'acte d'accusation met en évidence les problèmes rencontrés lors de l'intervention, notamment avec les radios défaillantes, y compris au moment d'appeler les secours. L'instruction relève par ailleurs que les policiers étaient équipés de gilets pare-balles et de gants pare-couteaux, et, aussi, qu'à aucun moment ils ont fait usage de leurs bâtons tactiques ou de leurs sprays au poivre.

Il est également mentionné qu'avant de perdre connaissance, Hervé a essayé de se relever. Il a alors été calmé par une agente, menotté dans le dos et maintenu en position latérale pour pouvoir respirer correctement. Des massages cardiaques lui ont été ensuite prodigués, sans les menottes, jusqu'à l'arrivée des ambulanciers, en vain.

Vives réactions

La mort d'Hervé avait suscité de nombreuses réactions. Plusieurs centaines de personnes avaient manifesté quelques jours plus tard à Lausanne pour rendre hommage à la victime et dénoncer «un profilage racial» de la police. La République démocratique du Congo (RDC) était également intervenue pour demander des explications aux autorités suisses.

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