La Liberté

Les lettres à nos aînés

A vous, prisonniers de droit hors du commun

A vous, prisonniers de droit hors du commun
A vous, prisonniers de droit hors du commun


Publié le 30.04.2020

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Lettre à nos aînés » Ceci n’est pas une lettre «aux aînés». Je vous écris à vous, Madame, Monsieur, prisonniers de droit hors du commun dans ce qui devrait être votre chez-vous. Certes soignés, distraits, chéris par les professionnels qui veillent avec cœur sur votre quotidien. Mais reclus. Embastillés. Pour votre protection, dit-on.

Etrange protection qui vous exclut de l’hospitalisation en cas de Covid-19, qui supprime sans avis médical vos traitements de physio, qui ne vous teste pas, qui ne teste pas au moins deux de vos proches pour maintenir un droit de visite, qui introduit près de vous soignants (testés?), bénévoles (testés?), civilistes (testés?) mais qui prohibe les microbes de vos fils, filles, époux, épouses, qui vous condamne à perpétuité pour vulnérabilité, et nous savons vous et moi l’échéance imprévisible de cette perpétuité-là: à huitante, nonante, cent ans, on n’est pas «fragiles» sinon, on serait morts avant! Si le corps ou l’esprit, ou les deux, s’amenuisent, c’est pour laisser transparaître le roc étincelant de l’âme. Mais aucun technocrate sanitaire ne le sait. Ou du moins, pas encore…

Au terme d’une vie sereine ou douloureuse, après les joies et les chagrins de l’existence, après le labeur acharné, les luttes, les conquêtes sociales, après avoir produit tout ce qu’on vous a demandé de produire, la sécurité, le bien-être, la richesse d’un Etat que vous avez célébré avec ferveur chaque 1er août et si peu contesté, vous voici résidents assignés à résidence comme n’importe quel opposant à un régime totalitaire. Etonnant, non?

Qu’expiez-vous, dans votre doucereux goulag, sinon la faillite des réformes de la santé et de la planification hospitalière? Que subissez-vous sinon la dictature du profit des assurances, mauvais risques que vous êtes? Tout cela sans mise en pli et la moustache qui trempe dans la soupe du soir.

Confinement. Le mot est joli, il sent la confiture et le fruit confit.

Enfermement. Celui-là pue les discriminations de la démocratie. Mais c’était la solution la moins chère.

Résistez, Madame, Monsieur, puisque l’on vous a promus résistants. Exigez. Elevez vos voix libres. Ne tolérez jamais que l’on choisisse pour vous l’itinéraire, l’équipement, la météo et les compagnons de votre cordée dans le dernier effort de l’ascension vers le sommet.

Je vous aime.

Marie-Claire Dewarrat écrivain, Châtel-Saint-Denis


» Cette opération de solidarité est lancée de concert avec d’autres quotidiens régionaux de Suisse romande: Le Quotidien Jurassien dans le Jura, Arcinfo à Neuchâtel, Le Journal du Jura (Berne francophone) et Le Nouvelliste, en Valais. La Côte, basée à Nyon, et le magazine Générations se sont également joints au mouvement.

Mais la solidarité ne se confine évidemment pas aux seules rédactions. C’est pourquoi nous vous lançons un appel, à vous, chers lecteurs: écrivez vous aussi votre lettre à nos aînés et faites-nous la parvenir par courriel à l’adresse suivante: redaction@laliberte.ch. Nous publierons les plus belles dans nos prochaines éditions.

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Tél: +41 26 426 44 11