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De Zoug à la Baltique: Nord Stream

De Zoug à la Baltique: Nord Stream
De Zoug à la Baltique: Nord Stream


Publié le 10.06.2021

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Opinion

En 2005 est créée à Zoug la société NEGP, renommée ensuite en Nord Stream. Statutairement, cette entreprise a pour mission de construire, posséder et gérer des gazoducs sous la mer Baltique pour acheminer du gaz russe jusqu’en Allemagne. En réalité, l’initiative est politique: la Russie et l’Allemagne avaient convenu de créer un tracé pour le transport du gaz contournant la turbulente Ukraine et la Pologne. Nord Stream est détenu en majorité par Gazprom, entreprise étatique russe. C’est ainsi qu’entre 2005 et 2012, depuis ses bureaux zougois, Nord Stream a chapeauté la pose sous la Baltique de plus de 1200 km de tuyaux qui acheminent aujourd’hui près de 60 milliards de m3 de gaz par année de la Russie vers l’Allemagne. L’investissement consenti est évalué à environ 8 milliards de dollars.

Cette infrastructure de pipelines faussement privée a certes une dimension économique et énergétique, mais aussi environnementale, et surtout une importance géopolitique croissante. L’appétit venant en mangeant, le succès tant technique qu’énergétique de Nord Stream amène les principaux acteurs à créer, en 2015 une autre société, Nord Stream 2, aussi à Zoug, avec pour mission de doubler la capacité. Nord Stream 2 est propriété à 100% de Gazprom. Le conseil d’administration est présidé par Gerhard Schröder – ancien chancelier allemand, alors que Dmitri Medvedev – ancien président russe – y siège également. Aujourd’hui, la construction du second gazoduc est techniquement à bout touchant au grand dam des pays baltes, de la Pologne et de l’Ukraine.

Confrontée à l’urgence climatique, l’Union européenne est maintenant sceptique face à cet afflux d’énergie fossile (relativement bon marché) peu compatible avec ses objectifs climatiques. Certains experts vont jusqu’à dire que cette énergie ne trouvera pas preneur et que la valeur de cet investissement supplémentaire de 8 milliards est d’ores et déjà négative. De plus, l’Union est politiquement divisée: alors que l’Allemagne (encore) soutient le projet du bout des lèvres, la Pologne et les pays baltes entendent le faire capoter même à la dernière minute.

En imposant de lourdes sanctions à toute entreprise impliquée dans la construction du Nord Stream 2, y compris la société de Zoug, l’administration Trump semblait avoir porté le coup de grâce au projet. A la satisfaction d’une partie de l’UE, le chantier s’est arrêté net, à la suite du retrait de nombreuses entreprises. Le Kremlin semblait pris au piège. Il y a deux semaines, l’administration Biden fait volte-face, et elle renonce aux sanctions. C’était sans doute le prix à payer pour que la rencontre Poutine-Biden puisse se tenir à Genève à mi-juin. Les affaires de Gazprom et de la société zougoise peuvent donc reprendre… Une fois de plus, la ténacité de long terme de Poutine est sur le point d’avoir le dernier mot, à moins que l’UE ne se réveille avant d’être asservie et encore un peu plus divisée.

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