La Liberté

La Quatrième Dimension, c'est pas un truc de vieux!

L’article en ligne – Séries » L’isolation ayant épuisé l’intégralité du catalogue Netflix, il ne vous reste plus qu’à remonter le temps pour trouver des séries à binger.

Père de la série d'origine, Rod Sterling (à droite) jouait également le rôle du narrateur de chaque épisode de La Quatrième Dimension. © SYFY Media LLC
Père de la série d'origine, Rod Sterling (à droite) jouait également le rôle du narrateur de chaque épisode de La Quatrième Dimension. © SYFY Media LLC

Louis Rossier

Publié le 15.05.2020

Temps de lecture estimé : 6 minutes

« Vous entrez dans une autre dimension, faite non seulement de paysage et de son mais aussi d’esprit. » Ces mots, les aficionados de télévision ayant grandi dans les années 1960 les reconnaîtront immédiatement comme ceux du générique de La Quatrième Dimension (The Twilight Zone, en version originale). Créée par un bonhomme du nom de Rod Sterling, qui introduisait chacun des épisodes de sa voix flegmatique devenue emblématique, La Quatrième Dimension, c’était un peu le Black Mirror de l’époque : à chaque épisode, une nouvelle histoire, marquée sous le signe de l’étrange, du fantastique ou de la science-fiction. 

Deux différences de taille cependant : primo, un format plus court, les épisodes faisant vingt minutes. Cette brièveté permettait aux histoires de se bâtir plus aisément sur des gimmicks somme toute assez simples – par exemple, un mécanicien arrive dans une ville où il n’y a personne, un milliardaire est tourmenté par les objets électroniques de son manoir, un pilote atterrit d’urgence dans le désert et ne retrouve pas les membres de son équipage. Secundo, une économie de moyens qui fait à la fois la force de cette série et sa faiblesse, lorsqu’on la regarde soixante ans après sa diffusion.

En effet, qu’on parle de costumes ou d’effets spéciaux, les standards actuels du petit écran rivalisent aujourd’hui avec ceux du cinéma. Dans les années 1960, il en allait autrement, et si La Quatrième Dimension, dans son premier run, a pu s’étirer sur pas moins de 156 épisodes, c’est en rabotant  les budgets autant que possible. Mais corollaire de cette lésine : l’effort est déployé sur l’écriture des épisodes et des dialogues, d’un lyrisme parfois un tantinet désuet mais jamais risible.

Choisir ses amis

C’est que Rod Serling, le papa de la série, a su s’entourer des bonnes personnes, puisqu’on retrouve à l’écriture des épisodes, lorsqu’il ne s’en chargeait pas lui-même, des noms aussi illustres que Ray Bradbury, consacré par ses Chroniques martiennes comme un pilier de la science-fiction et dont le roman Farenheit 451 est entré dans le canon de la grande littérature mondiale du XXe siècle, ou Richard Matheson, père du fantastique moderne, Stephen King avant l’heure – sur qui il eut d’ailleurs une énorme influence – et dont les romans Je suis une légende et L’homme qui rétrécit connurent des portages sur grand écran, avec un succès variable.

Le noir et blanc achève de rendre charmante cette série dont chaque épisode s’articule ainsi sur le combo - « Une idée originale – une écriture soignée », et avant que le suc du postulat de base ne soit sucé, l’épisode s’achève déjà, la plupart du temps sur une petite morale un peu noire.

Un impact sur la culture contemporaine

Diffusée partiellement en France dès les années 1960, puis intégralement au court des années 1980, la série a eu une influence énorme sur la pop culture, à tel point que quatre géants du cinéma s’unissent pour lui rendre hommage dans un film en quatre chapitres sortis en 1983. Ces géants s’appellent John Landis (The Blues Brothers), Steven Spielberg, qu’on ne présente pas, Joe Dante (Gremlins) et George Miller (Mad Max : Fury Road). Pas n’importe qui !

Dans les colonnes de Den of Geek, Louisa Mellor détaillait l’influence de La Quatrième Dimension sur la pop culture actuelle. Tout d’abord, le goût pour une science-fiction adulte et cérébrale, à l’opposé du space opera et des combats de robot, a donné une légitimité à un genre permettant des années plus tard la sortie de séries comme Westworld ou de films comme Ex Machina. Construits comme des nouvelles, les épisodes se terminent généralement avec un retournement de situation inattendu, ou « twist » de fin – est-ce que Shyamalan aurait tourné avec autant de persistance des films fantastiques s’achevant tous sur une surprise s’il n’avait pas grandi en regardant La Quatrième Dimension ? Son influence est telle que des films populaires comme The Truman Show, Poltergeist, Le Sixième Sens ou Destination finale reposent tous sur des prémices identiques à ceux d’un épisode correspondant de La Quatrième Dimension.

Imitée, jamais égalée

De puis, la série a connu de nombreuses ré-itérations, la dernière en date étant lancée en 2019 pour la chaîne américaine CBS et verra sa deuxième saison diffusée cet été. A la place de Rod Sterling, on retrouve Jordan Peele (Get Out, Us) dans le rôle du narrateur. Accueillie positivement, mais sans éclats par la critique, elle souffre, comme les précédents revivals, de l’ombre de la série originale. C’est pourquoi, si le noir et blanc et quelques costumes datés ne vous effraient pas, on vous recommande plutôt de donner sa chance à la série d’origine, soit de manière systématique si le nombre dantesque de 158 épisodes ne vous effraient pas, soit en vous concentrant sur ses meilleurs moments devenus emblématiques (« It’s a Good Life », « The Eye of the Beholder », « A Game of Pool », pour n’en citer que trois rapidement).

Pour la regarder comment faire ? Disponible sur la version américaine de Netflix uniquement, elle est diffusée sur Hulu, Amazon Prime, CBS All Access et Hulu, avec les habituelles variations géographiques. Aux alternatives illégales on opposera encore la possibilité de se procurer le coffret intégral en 28 DVDs (rien que ça!) sorti en 2018 par Universal, qui coûte à peu près 70 francs.

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11