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Ville morte avant Noël, Bethléem est devenue une «prison à ciel ouvert»

A un mois des festivités de Noël, la cité de la Nativité est totalement désertée par les touristes.

La Colombe de la paix de l’artiste Banksy, à Bethléem, reste tristement d’actualité à l’approche de ce Noël en guerre. © Keystone
La Colombe de la paix de l’artiste Banksy, à Bethléem, reste tristement d’actualité à l’approche de ce Noël en guerre. © Keystone

Jacques Berset, Cath.ch

Publié le 01.12.2023

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Terre sainte » La ville de la Nativité de Jésus de Nazareth, vide de touristes, est complètement fermée. «Bethléem est devenu une prison à ciel ouvert. Personne ne peut entrer ni sortir», déplore le Père Ibrahim Faltas, vicaire de la custodie franciscaine de Terre sainte à Jérusalem. «Si cela continue, il n’y aura plus de chrétiens en Terre sainte!»

La sanglante guerre en cours à Gaza a des conséquences dramatiques pour la population de la cité biblique. L’économie de Bethléem repose à 60-70% sur le tourisme. 90% des chrétiens sont employés dans ce secteur. L’année 2023 devait être une année de forte affluence, après la crise du Covid, mais la guerre a réduit à néant les attentes de la population, constate la journaliste Marinella Bandini, sur le site de la custodie de Terre sainte.

Isolé depuis le 7 octobre, Bethléem subit les prémices d’une crise économique et les incursions répétées de l’armée israélienne qui y fait des morts comme dans les autres grandes villes de Cisjordanie occupée, peut-on lire sur le site du magazine Terre sainte.

Ressources coupées

Au-delà de la hausse des prix, l’économie de Bethléem repose sur trois sources de revenus, toutes coupées: l’arrêt du tourisme a vu les hôtels et les restaurants congédier leurs employés, les permis des 16 000 personnes qui travaillaient en Israël ont été révoqués, et l’Autorité palestinienne n’a toujours pas payé les salaires de ses employés, souligne la fondation Terra Santa.

«Les gens ont encore plus peur de sortir que pendant le Covid»
Père Ibrahim Faltas

«La situation est terrible, poursuit de son côté le Père Faltas. Les gens ont encore plus peur de sortir qu’au moment de la pandémie du Covid. Un mois avant Noël, Bethléem devrait être plein de pèlerins, mais malheureusement il n’y a personne et les habitants ont peur. Ils ne pensent pas à Noël, ils ne pensent qu’à s’enfuir d’ici. Il n’y aura plus de chrétiens si la situation continue ainsi.» Et de lancer un appel: «Je demande à tous les puissants du monde: cessez le feu, pour l’amour de Dieu. Cessez le feu!»

Noël sans décorations

Les autorités municipales de la ville de la Nativité ont décidé de la dépouiller de ses décorations de Noël en solidarité avec ceux qui souffrent dans leur chair de la guerre qui fait rage depuis bientôt deux mois à Gaza et des victimes de la répression et des agressions de colons israéliens en Cisjordanie.

Les patriarches et les chefs des Eglises de Jérusalem ont invité leurs fidèles à «être aux côtés de ceux qui sont confrontés à de telles afflictions, en renonçant cette année à toute activité inutilement festive». «Nous encourageons nos prêtres et nos fidèles à se concentrer davantage sur le sens spirituel de Noël, en gardant à l’esprit nos frères et sœurs touchés par cette guerre et ses conséquences, et en priant avec ferveur pour une paix juste et durable pour notre Terre sainte bien-aimée», ont-ils souligné.

Dans une place de la Mangeoire inhabituellement vide, ainsi que dans les rues voisines, les électriciens démontent les décorations lumineuses. Cette année, il n’y aura ni grand sapin ni crèche. Les pas des frères franciscains, qui se rendent chaque jour en procession à la grotte de la Nativité, résonnent dans une basilique totalement vide. «A cette époque de l’année, les familles chrétiennes de Bethléem commencent généralement à se préparer à Noël, et les lieux de la naissance de Jésus sont remplis de pèlerins. Mais ce ne sera pas le cas cette année. Les chrétiens de Terre sainte fêteront seuls. Nous accueillerons Noël dans la douleur et la tristesse», déclare Lina, une chrétienne de Bethléem citée par Marinella Bandini.

La tentation de l’émigration

Dans les rues proches de la basilique, les boutiques de souvenirs sont fermées. Quelques commerçants ouvrent sur rendez-vous. La production est également à l’arrêt: on ne peut pas se permettre d’être dispendieux en sachant que la période de Noël est perdue, et que les pièces resteront sur les étagères à prendre la poussière. L’incertitude de l’avenir plane sur tout.

Depuis le début de la guerre, les principaux points d’accès à Bethléem sont fermés et même les déplacements entre les différentes villes palestiniennes sont très compliqués en raison des check-points et des routes coupées. Cela a des répercussions sur la circulation ainsi que sur les prix des marchandises, y compris des produits de première nécessité. Beaucoup, même parmi les chrétiens, pensent à émigrer, surtout les plus jeunes. Ici, ils ne voient aucune perspective pour fonder une famille et élever des enfants.

 

A Gaza, les chrétiens sont en voie de disparition

La sanglante guerre qui ravage Gaza frappe durement les quelque 900 chrétiens qui y survivent, dont une centaine de catholiques. Les conséquences de ce conflit sont dévastatrices pour la petite communauté chrétienne, souligne l’œuvre d’entraide Aide à l’Eglise en détresse (AED). Il y a une dizaine d’années, les chrétiens étaient encore 3000 à vivre au sein d’une population musulmane avec laquelle ils entretenaient des relations pacifiques.

Selon un partenaire de projets d’AED, responsable de la bande de Gaza, au moins 53 familles chrétiennes ont vu leur maison complètement détruite et la plupart des bâtiments appartenant à des institutions chrétiennes ont été endommagés par les frappes aériennes. La majorité des chrétiens restés à Gaza s’est réfugiée dans la paroisse latine de la Sainte-Famille et dans l’église grecque orthodoxe de Saint-Porphyre, qui a été bombardée le 19 octobre dernier, faisant une vingtaine de morts. Le patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem a dénoncé l’attaque en termes sévères, la qualifiant de crime de guerre et accusant l’armée israélienne de cibler des églises et des abris civils.

Le bombardement de l’école catholique des Sœurs du Saint-Rosaire, le 4 novembre, est aussi dramatique. L’école était une lueur d’espoir pour la communauté de Gaza. Fondée en 2000, elle dispensait en 2023 un enseignement à 1250 élèves, chrétiens et musulmans. C’était l’une des plus grandes écoles de Gaza offrant un enseignement de qualité aux familles pauvres.

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