Chronique: Emmanuel, SDF à la gare de Genève
Angélique Eggenschwiler
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Le train a du retard. J’ai pris de quoi grignoter sur le quai, assise entre la poubelle et le sosie de Bruce Willis. C’est là qu’il se pointe. «Bonjour Madame». Je réponds, il s’éclaire, je souris, il explose. Enfin quelqu’un de poli, pas comme l’autre là, qui l’a presque insulté alors qu’il voulait juste se montrer courtois, et ce serait lui, le con dans l’histoire?
Le con: «Emmanuel de mon nom de baptême, en hommage à mon défunt père.» Et il déroule l’histoire du défunt père, et de la défunte tante, et de tous ses fantômes qu’il éparpille sur le quai de gare, entre Genève et Amman, entre la poubelle et l’antisionisme, entre mon estomac et un börek au fromage qui refroidit dans mon sac. Une logorrhée confuse à quelques centimètres de mon visage, je sens son haleine, je sens son désespoir, et je me demande quand est-ce que ça se termine.
Est-ce qu’il y avait un chien dans l’enfance de ces écorchés?
Quand est-ce que ça commence? «J’ai eu sept opérations après il